Il y a quelques semaines, on fêtait l’anniversaire de Trench – le quatrième album studio de twenty one pilots. Je profite donc de mon espace journal pour rédiger un mot ou deux sur l’une des œuvres qui m’a le plus inspiré et qui a définitivement changé une partie de moi.

Si j’essaie de me remémorer la journée du 4 octobre 2018, je me souviens avant toute chose que c’est avec une impatience presque maladive que je me suis levé au matin pour aller à l’université. Ce devait être encore une de ces belles journées – début octobre oblige – où on peut encore un peu profiter des restes de l’été.

Je n’avais du avoir qu’une chose en tête tout au long de cette journée: rentrer chez moi et attendre minuit. Ce devait être le chaos dans ma tête, et jamais je n’avais eu envie que le temps file à cette vitesse.
Dans ma classe, mes amis les plus proches savaient : j’avais dû leur en parler tellement de fois. Et pour les quelques personnes non initiées, elles devaient me voir taper du pied et la tête complètement ailleurs pendant les cours – et ainsi se douter que ma préoccupation était ailleurs que sur cet exercice d’algo.


Les singles m’avaient complètement retourné le cerveau et je les avait dévorés pendant tout l’été, quand ils sont sortis. Peu d’inquiétudes donc sur la qualité du projet à venir: “C’est sûr, ça va me plaire. Ils sont trop forts.”

Je rentre alors des cours, et vient le moment le plus difficile: se savoir à la maison, au chaud, mais devoir encore attendre. Pourquoi les albums sortent forcément à minuit ? Pourquoi la plupart des grandes choses ont lieu à minuit ? Curieuse tradition. Et puis, s’il est minuit ici, quelle heure est-il en Amérique ? On s’occupe l’esprit comme on peut en se questionnant.

Quelques heures avant la sortie de l’album, je me rappelle même avoir été traversé par une grande inquiétude. Mon cœur tambourinait presque: “Et si je suis déçu ? Et s’ils ne sont pas à la hauteur, cette fois ?”. Je n’avais jamais vécu de sortie d’album de leur part, n’étant un fan(boy) que depuis 2015.


23h15. 23h36. 23h51. L’attente est atroce, mais j’ai presque envie qu’elle se prolonge car je regrette l’époque où on “espérait un nouvel album”. Sauf que ça y’est, maintenant on sait qu’il arrive, qu’il est à quelques minutes d’être joué dans nos oreilles. Je fais des allers-retours sur la page Spotify affichant la discographie de twenty one pilots, guettant une sortie anticipée. Et je me dis même que je vais éteindre la lumière de ma chambre et mettre Spotify en plein écran, juste pour l’immersion. J’entends mes parents qui montent pour aller se coucher.

Et puis l’album apparaît à minuit pile.

J’ai pleuré à la fin de la première écoute – l’album se conclut sur Leave The City, un son tout au piano très touchant comme ils ont l’habitude de faire en guise de dernier morceau sur leurs projets et c’était impossible pour moi de m’endormir sans réécouter certains titres qui m’ont – littéralement – bouleversé lors de la découverte.

Mention spéciale à Morph, Chlorine, et Bandito.

Musicalement, j’étais conquis: ça allait être une œuvre musicale qui allait être jouée en boucle partout, tout le temps, pendant les années à venir – en témoigne ma playlist Spotify Wrapped 2019. Mais en fait, plus qu’un album de musique, Trench apparaît comme un chapitre dans une backstory bien plus importante et surprenante. Et c’est réellement quand j’ai pris conscience de tout cela au travers de re-visionnage des clips, ou bien des heures passées à lire des théories fabriquées par les fans du groupe (on l’appelle la clique) que ma perception du projet et même du monde a un peu changé.


Trench, ce n’est pas juste le nom de l’album, mais c’est aussi et surtout une vaste étendue de terres qui se situe entre deux endroits: là d’où l’on vient, une ville à l’architecture brutalist appelée Dema (dema… demon ?) qui est contrôlée par neuf prêtres (appelés “bishops”) ; et de l’autre côté, il y a “là où on souhaite aller”. Un lieu pour le moment encore parfaitement inconnu.

Dans Blurryface (l’album précédent), l’histoire prenait place à l’intérieur des murs de cette cité dystopique. Là-bas il n’y a pas de feu, pas de chaleur, et chaque habitant est programmé pour effectuer une tâche bien précise s’inscrivant dans une logique implacable et efficace qui règne dans les lieux. On n’y parle pas, on n’y ressent pas d’émotion; on n’y respire pas vraiment non plus. On exécute et obéit sans piper mot. Et les gens se laissent bercer par cet ordre religieux et ses principes mystérieux, sans oser quitter cette zone de confort.

Soyons clair: qui n’aime pas défaire une organisation aussi malsaine qu’un conseil composé de neufs prêtres maléfiques vêtus de rouge ? On tient là l’antihéros parfait de l’histoire.

On suit donc les aventures d’un protagoniste – incarné par le chanteur du groupe – qui doit, de fait, s’enfuir de Dema (d’où il était lui aussi retenu prisonnier), traverser Trench et atteindre l’autre côté pour connaître le monde extérieur. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le chemin est difficile. Dans les trois premiers clips vidéos (sortis pendant l’été précédant la sortie de l’album), Trench est représentée par des plaines froides et peu hospitalières, de grandes montagnes et des collines pleines de mousses et de petits filets d’eau glaciale – caractéristique de l’Islande, puisque c’est là-bas qu’a été tournée une partie des images.

La route a beau être semée d’embûches, il y a toutefois un peuple, dehors, qui peut vous accueillir et vous aider dans votre traversée pour atteindre l’autre côté. Ils portent le nom des Banditos, et constituent une élégante métaphore pour représenter la fanbase qui soutient le groupe durant toutes ces années.


Si vous voulez connaître la suite et fin de l’histoire, alors nous sommes deux. Leur tout nouvel album, Scaled And Icy, ne fait pas vraiment suite à l’histoire mais apparaît plutôt comme une parenthèse musicale – bien qu’il ne soit pas détaché de leur univers, loin de là. Pour connaître le dénouement et savoir si le protagoniste réussit à traverser Trench et voir ce qu’il y a au-delà, il faudra attendre encore un peu.